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Le DVD pédagogique de "Shoah".

Une présentation du DVD pédagogique de "Shoah" réalisé à partir du film de Claude Lanzmann, et du livret qui l'accompagne, rédigée par Jean-François Forges.


Présentation du DVD…

 
 

Il s'agit d'un produit destiné exclusivement à un usage pédagogique et non commercialisé. Produit par le CNDP, il a été distribué dans les lycées sur demande.

Ce DVD est de 173 mn et se présente comme une introduction au film de C. Lanzmann qui dure 570mn. Il ne prétend pas en être une version courte et est constitué de six extraits.

Dans le produit envoyé aux lycées se trouvent :

Le DVD lui-même.

Un petit fascicule de 7 pages indiquant brièvement le contenu de chaque extrait et le nom des témoins interviewés par C. Lanzmann.

Le livret pédagogique (127 pages) écrit par JF Forges dont nous donnons une présentation, intitulé " Shoah de Claude Lanzmann, le cinéma, la mémoire et l'histoire ".

 

… et du livret

 

Jean-François Forges, l'auteur du livret pédagogique qui accompagne le DVD du film de Lanzmann, est professeur d'Histoire-géographie dans l'académie de Lyon. Il est l'auteur notamment d'un ouvrage intitulé Eduquer contre Auschwitz, (publié Aux éditions ESF et réédité en 2004 chez Pocket-Agora), ainsi que de nombreux articles sur l'enseignement de la Shoah. Il travaille régulièrement avec le Musée-Mémorial des enfants d'Izieu dans le cadre de leurs activités pédagogiques.

 

Le livret se compose de deux parties :
la première est une réflexion générale sur le fil de Lanzmann. La deuxième comporte une description de chaque extrait, acompagnée d'une réflexion sur le travail du réalisateur. (voir contenu et structure  du livret)

Dans la première partie, introductive, du livret, JF Forges adopte le point de vue de l'auteur lui-même sur son film. Selon Lanzmann, en effet, l'idée de vouloir comprendre la Shoah, de l'expliquer comme d'autres événements en le ramenant à ses causes, non seulement ne peut que se révéler stérile, mais frôle véritablement l'indécence s'agissant d'un événement aussi singulier et dramatique que le génocide des juifs pendant la deuxième guerre mondiale. Dès lors, tous les efforts de la commémoration, de l'histoire et de l'éducation risquent bien de travailler dans le sens de l'oubli s'ils prétendent se mettre au service d'une forme quelconque de compréhension.

Cette prise de position qui prend à revers tous les appels au devoir de mémoire dans leur registre commémoratif, et …pédagogique, n'entrevoit qu'une seule démarche qui puisse tenter de s'affronter à l'événement : celle de l'art, de l'œuvre. " Shoah ", le film, est cette œuvre, et c'est en tant que telle que ce livret veut nous la présenter : un chef d'œuvre artistique. Mieux que cela : " Shoah " est une œuvre qui a bouleversé l'événement qu'était la Shoah dans la mémoire et l'histoire des hommes. Cet événement n'est plus le même pour les hommes depuis que le film existe, de même que son nom, désormais, lui vient précisément du film.

Le film est donc entré dans l'histoire de l'événement pour en orienter le cours. Ce qui signifie aussi que désormais il épouse une telle histoire et y voit son destin définitivement lié. Ainsi seulement il en maintient la mémoire de la seule façon qui puisse être pertinente : de manière vivante et non à la manière de ces monuments aux morts et de ces plaques commémoratives devant lesquelles passent des vivants, indifférents à ces reliques sans signification. C'est parce que " Shoah " comme chef-d'œuvre vit en nous et par nous à la manière d'une réalité en devenir qu'il maintient vivante la mémoire et l'histoire de la Shoah.

Mais la dimension fondamentalement artistique du film n'exclut pas l'effort dans la recherche de la vérité, et même un souci tout à fait unique de la précision dans la représentation des faits, des lieux, qui, quels que soient le montage et la mise en scène auxquels se livre le cinéaste et qu'il laisse d'ailleurs deviner, restent, selon JF Forges, ce qui distingue définitivement le film de Lanzmann des autres films consacrés au génocide des juifs. L'idée qui parcourt le livret de JF Forges est que le film Shoah comme chef d'œuvre est le seul chemin qui nous met en mesure de nous montrer la chose même, de nous re-présenter l'in-présentable.

S'il y parvient, c'est en ce sens que le souci exemplaire de la précision, dans les faits et dans les lieux, coïncide avec une recherche tout aussi affinée des signes qui, dans le film, vont figurer l'irruption du réel dans la construction esthétique : les paysages d'eau ou de forêts qui viennent suggérer l'oubli et convoquent pourtant les morts, toutes ces voix et ces bruits qui résonnent dans le lointain, ou ces aboiements de chiens indistincts pendant la description par Muller des chambres à gaz, ces décors paisibles de jardins et de maisons ou ces enfants qui jouent autour des lieux même du désastre… Ce pouvoir d'effraction du réel, distillé par Lanzmann dans le décor de l'œuvre est ce qui lui donne tout son pouvoir de vérité, tandis que le réel lui-même, dans sa banalité, nous dévoile à jamais son envers désastreux. Ce quasi-réel que devient l'œuvre bouleverse à jamais le réel banal qui est notre fréquentation quotidienne : tel est le miracle qu'accomplit admirablement le chef-d'œuvre de Lanzmann.

 

Intérêt du livret

 

Malgré l'appellation " pédagogique " ce livret ne respecte donc pas les attendus du vocable, pour notre plus grand bien et celui du film avec. Il ne s'agit pas de parler sur le film mais de le faire parler, de le laisser parler même. On n'y trouvera donc pas un guide pré-établi livrant clef en mains le sens de l'œuvre et un parcours balisé à l'avance pour les enseignants. Les éléments d'analyse que nous livre JF Forges sont volontairement épars, parcellaires, impressionnistes. Ils se refusent à totaliser l'œuvre, à nous la livrer tout d'un bloc. Ils veulent davantage servir l'œuvre que servir l'enseignant, et c'est ainsi qu'ils servent le mieux l'enseignant. Car toute la magie artistique du film, on l'a dit, réside dans le détail, dans ces indices de réel qui font irruption dans le décor artistique et lui donnent la dimension de l'œuvre : tout ce qui désigne la représentation de la chose et non pas la chose représentée elle-même pour reprendre une célèbre distinction de Kant. Or l'originalité de " Shoah " dans sa manière de représenter l'indicible réside dans cet usage d'un réel faisant irruption dans l'horizon esthétique du film : un clair de lune qui nous ramène aux nuits d'Auschwitz, les visages au présent des interlocuteurs de Lanzmann, l'embarras de la traductrice, les milles et unes présences d'une nature témoin de l'horreur, les voix et les bruits… Le film ne peut être proposé à des élèves qu'à condition de le saisir à ce moment où prend naissance sa dimension artistique.


Contenu et structure du livret

 

Au-delà de la première partie, introductive, du livret, celui-ci propose dans sa deuxième partie :

 

Une liste des séquences de chacun des 6 extraits. Ces séquences sont établies en fonction des personnages interrogées par le cinéaste.

Par exemple : Extrait 1 :

Richard Glazar : Les bûchers de treblinka, 3 minutes

Motke Zaïdl et Itzhak Dugin : Les bûchers de Ponari, 1 minute….)


Une étude des séquences qui comporte elle-même trois parties pour chaque extrait :


Une description plan par plan de chaque extrait.

Des éléments d'analyse de la séquence. (Nous en donnons un aperçu plus bas)

Une proposition de thèmes pour l'étude de la séquence.

 

Extraits


Extrait 1: La disparition des traces. 36 mn.

Cet extrait comporte un certain nombre de récits de survivants, des images tournées en Pologne ainsi qu'en Israël. La nature, à travers l'eau, le feu ou la forêt est convoquée pour suggérer l'effacement des traces de l'extermination.


La valeur symbolique des éléments naturels (eau, terre ciel, la rivière, les feux etc.), le jeu des regards, mais aussi les voix, les cris d'animaux, les bruits qui inscrivent la mémoire de la Shoah dans notre présent suggèrent l'imperceptible présence de l'horreur sous le calme de la nature.

 

Extrait 2 : Les chambres à gaz de Treblinka et d'Auschwitz. 27 mn

 

Elle comporte le témoignage de deux allemands, le SS Franz Suchomel qui explique le fonctionnement des chambres à gaz de Treblinka et Filip Müller, survivant d'Auschwitz 1, qui explique le fonctionnement des chambres à gaz d'Auschwitz.

Ici encore les explications de JF Forges retiennent des détails qui donnent en réalité sa dimension créative au film : le timbre de la voix de Müller et la force de ses paroles, le passage dans le champ de l'ombre de la caméra indiquant discrètement la présence du cinéaste, ou le regard posé par la caméra sur la campagne avoisinant Birkenau avec ses maisons et ses jardins cultivés qui inscrit le camp dans une réalité, la manière de filmer l'arrivée d'un train…


Extrait 3 : Les Polonais de Grabow. 19mn.

L'extrait montre l'arrivée du cinéaste à Grabow, devant la synagogue puis dans les rues du village.

Le livret insiste encore sur les effets nombreux de l'irruption du réel et du présent dans le film : des voix, des bruits de vélos qui peuvent couvrir la voix de Lanzmann, les témoins à leurs fenêtres, les enfants qui jouent…

 
Extrait 4 : Polonais de Chelmno. 17 mn.
 

Il s'agit d'une des séquences les plus célèbres du film où l'on voit Lanzmann interroger un groupe de personnes dans le village de Chelmno. L'antisémitisme des paroles affleure à chaque instant dans ce village dominé par son église.

L'analyse de la séquence met en valeur tous les petits signes accumulés qui font resurgir la mémoire du crime : les sonneries des cloches de l'église, les hésitations de la traductrice qui traduit youpins par juifs, l'apparition de l'or des objets de culte alors que les personnages ne cessent de parler de l'or des juifs, la fumée qui s'échappe du véhicule dans le dernier plan…

Extrait 5 : Le processus de la mise à mort à Treblinka. 35 mn.
 

Cette séquence montre le SS Suchomel commenter la carte de Treblinka puis nous conduit dans un salon de coiffure de Tel Aviv où Bomba, un rescapé de Treblinka, raconte son expérience passée.

Le livret nous rend sensibles à la manière obsédante de filmer trains et gares, à la présence des animaux et notamment des oies dont les cris rappellent l'utilisation qu'en faisaient les SS pour couvrir les cris des hommes assassinés, au salon de coiffure de Tel Aviv d'où ressurgit le souvenir, aux larmes de Bomba et à la nécessité de passer outre la douleur des témoins pour réaliser l'œuvre…

 
Extrait 6 : Vie et mort à Birkenau des Juifs du camp de familles de Theresienstadt. 37mn.

La séquence est marquée par le témoignage d'une déportée, Ruth Elias, de Rudolf Vrba, survivant d'Auschwitz, qui décrit la vie dans le camp des familles, et de Filip Müller. Lanzmann filme aussi les crématoires dans leur état actuel et leurs représentations dans le musée du camp principal.

Le livret souligne l'intérêt de la séquence pour faire apparaître la volonté de résistance du camp et ses écueils.

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