A tout de suite les enfants
Martin Doerry, A tout de suite les enfants. Albin-Michel, 2004 (Première édition en 2002 à Munich) Un récit qui retrace, à partir de quelques 550 lettres, le destin tragique de Lilli Jahn, juive, docteur en médecine et déportée à Birkenau la suite de son divorce en 1942.
Présentation de l’ouvrage
L’ouvrage de Martin Doerry, A bientôt, les enfants, présente l’histoire de Lilli Jahn, une femme juive, docteur en médecine, intellectuelle et cultivée , de sa naissance à 1944 et plus précisément pendant le troisième Reich .L’ouvrage retrace les persécutions antisémites dont elle fut l’objet dans son village d’Immenhausen où elle résidait et avait tenté d’exercer son métier, puis comment son mari, Ernst Jahn, médecin protestant converti au catholicisme l’exposera, elle , son épouse et la mère de ses cinq enfants à la déportation et à la mort, en demandant le divorce en 1942.
Composition
L’ouvrage s’appuie sur une sélection de 550 lettres et est divisé en cinq parties :
I. Une famille juive à Cologne ( 55 pages)
II. Années de persécution à Immenhausen ( 73 pages)
III. Le bannissement à Cassel ( 20 pages)
IV. Au camp de Breitenau (155 pages)
V. La mort à Auschwitz (12 pages).
Un épilogue clôt l’ouvrage sur l’avenir des enfants après le décès de leur mère .
Un premier ensemble de lettres , distribué entre la première et la deuxième partie, provient des échanges épistolaires qu’eut Lilli Jahn avec son futur mari , entre 1923 et 26 puis en1930 . Ces lettres avaient été conservées par Ernst Jahn , le mari de Lilli et sont revenues à la famille après sa mort.
Un deuxième ensemble réunit des lettres ( une soixantaine ) à des amis proches, en particulier Hanne et Leo Barth de Mannheim , datées de 29 et 43, et apparaissent dans les deuxième et troisième parties .
Un troisième ensemble correspond aux lettres envoyées à une amie juive, Lotte Paepcke, protégée par son mariage avec un non-juif et celles adressées à sa belle sœur Lore, lors de son internement à Breitenau ( quarante-cinq lettres). Elles sont disséminées, chronologiquement, entre les différentes parties, hormis la première.
Enfin, un dernier ensemble épistolaire, deux cent cinquante lettres auxquelles il faut ajouter dix lettres de Lilli elle-même, constitue le cœur de l’ouvrage, et compose la partie la plus importante du livre . Il réunit les lettres envoyées par les enfants , surtout les trois aînés , Gerhard, Ilse et Johanna pendant l’internement de leur mère à Breitenau. ( Quatrième et cinquième parties). Gerhard , le fils aîné de Lilli avait gardé les lettres que lui-même et ses sœurs avaient envoyées à leur mère durant cette époque. Ce dernier, devenu un homme politique - démocrate du SPD- et ministre de la justice sous Willy Brandt, les avaient conservées sans en parler , dans un carton et c’est à sa mort, en 1998, que ses sœurs les retrouvèrent.
Enfin, une lettre remarquable écrite par le père de Lotte Paepcke , Max Mayer, juif, à son petit-fils Peter Paepcke, le jour de son baptême chrétien a été insérée dans le chapitre « la grand-mère juive », dans la deuxième partie. Cette lettre admirable reprend une réflexion d’ensemble sur l’antisémitisme du troisième Reich et ses critères et invite le petit fils à considérer celui de « la grand-mère juive », celle dont l’existence interdisait le statut d’Aryen, en rappelant à Peter qui avait été la sienne, Olga Mayer.
Intérêt de l’ouvrage
Le fils de la fille aînée de Lilli, Martin Doerry, journaliste au Spiegel, entreprit de réunir et de classer ces lettres, d’abord pour un usage privé et familial . Toutefois, il ira beaucoup plus loin : il construira autour de ces lettres une biographie, celle de sa grand-mère, en s’appuyant sur des documents historiques et administratifs, officiels ou privés de 1862 à 1962. Martin Doerry a donc élaboré un texte très informé autour de ces lettres, en les commentant , en précisant certains points, prenant la conduite de la narration dans les épisodes qui nécessitaient certains éclaircissements. L’entreprise est motivée par la conscience que les biographies privées, après 1933, et comme le soulignait Sebastian Haffner, sont précieuses en ce qu’elles représentent dans leur singularité le destin de millions de gens .De surcroît, l’originalité de cette biographie de Lilli Jahn tient au fait qu’elle n’a pas survécu, et que nous n’avons donc pas le point de vue d’une rescapée. Enfin , Martin Doerry voulait tenter de comprendre et de répondre à cette question « cruciale » : « pourquoi Ernst Jahn s’était-il séparé de Lilli en 1942, alors qu’il devait bien savoir que sa femme juive serait livrée de ce fait à une mort certaine ? »
La perspective biographique adoptée par Martin Doerry est élargie par la circularité des points de vue offerts par les lettres et la mise en perspective de la tragédie des juifs allemands par un rappel historique de leur intégration sociale et intellectuelle à la nation allemande au début du XXème siècle . Il montre ,dans le détail , la richesse de la vie sociale et intellectuelle de ces familles, et les répercussions, dans la vie privée et quotidienne de la progressive dégradation de leur droit, jusqu’au droit à vivre.
Une Famille Juive à Cologne : Première Partie
Cette première partie comprend cinq chapitres.
Martin Doerry y a réunit les lettres des futurs époux, Lilli Schlüchterer et Ernst Jahn de 1923 à 1926, et une lettre du père de Lilli.
Avant d’aborder les relations strictement personnelles du couple et les difficultés à faire accepter un mariage mixte aux parents de Lilli, Martin Doerry prend un recul historique pour ancrer sa biographie dans un contexte historique plus large qui met en évidence l’intégration des familles juives dans la société allemande. Il commence ainsi en 1897, avec le père de Lilli, Joseph Schlüchterer, négociant , et sa Mère Paula Schoss, fille d’une famille bourgeoise. Le couple , installé à Cologne eut deux filles : Lilli, née le 5 mars 1900 et Elsa, née le 2 juin 1901, auxquelles ils donnèrent une éducation solide et humaniste.
Martin Doerry rappelle les étapes de l’intégration des anciennes familles juives en Allemagne, leur combat auprès des troupes allemandes pendant la première guerre mondiale, l’octroi de la nationalité prussienne conférée de façon officielle aux juifs le 22 mars 1907, l’admission de juifs et même de juives dans les écoles d’Etat les plus réputées : ainsi Lilli fréquentera le fameux grand lycée Kaiserin-Augusta, où l’on trouvait seulement 2% de filles , et fait enfin le tableau de la richesse de leur participation à la vie sociale et culturelle du pays . Cette intégration paraît si réalisée qu’elle se retourne même de façon paradoxale contre l’arrivée des juifs d’Europe de l’est en Allemagne -environ 100 000 pendant la première guerre mondiale et les années 20- et dont les traits communautaires plus marqués rencontraient l’hostilité des juifs « assimilés » . On trouve ainsi la lettre de contestation de Joseph Schlüchterer, le père de Lilli, au ministère prussien de l’Intérieur .Il sollicite auprès des autorités que ces nouveaux coreligionnaires n’aient pas le droit de vote à l’intérieur de la synagogue dont lui, Joseph Schlüchterer était une des têtes pensantes, parce qu’il redoutait leurs options et coutumes traditionnelles . Dans le même esprit d’enracinement, l’émigration en Palestine, dont on commence à parler ne le tente pas .
Cette perspective historique étant mise en place , les lettres des futurs époux, tous deux étudiants en médecine, prennent le relais. On y apprend, au détour de leur lecture, que lilli est non seulement médecin mais docteur en médecine, contrairement à Ernst Jahn. On découvre également l’envergure de ses intérêts culturels et artistiques : ses lettres, rendant compte de façon approfondie de ses sentiments et réflexions, débattent des théories philosophiques des auteurs allemands, comme Schlegel, et des philosophes modernes, comme Bergson , de la musique contemporaine, Prokoviev entre autres, et de toutes sortes de manifestations culturelles qui sont analysées par la jeune docteure en médecine. La correspondance fait ainsi le portrait d’une femme intellectuelle, avide de connaissances , passionnée et très attentionnée envers Ernst qu’elle aime profondément. A l’inverse, les lettres de Ernst, laissent apparaître un personnage plus contrarié, ayant dû affronter des difficultés matérielles et morales après le décès de son père pour se faire une place et poursuivre ses études. Toujours très anxieux et parfois même dépressif, il attend d’une femme qu’elle soit surtout une mère, en laissant la priorité à la carrière de son mari. Cette position, habituelle pour l’époque n’est pourtant pas du goût de Lilli qui lui rappelle qui elle est, même si elle finit, par abnégation et passion par agir conformément à ses demandes.
Ainsi , le mariage conclu, avec la bénédiction du rabbin, Lilli part s’installer à Immenhausen , alors qu’elle redoutait de s’enfermer dans un village sans vie intellectuelle et sans avenir professionnel pour elle mais Ernst avait la possibilité d’y reprendre un cabinet.
Les années de persécution à Immenhausen : deuxième partie
La seconde partie comprend 6 chapitres, dont l’un consacré à la lettre de Max Mayer et intitulé « La grand-mère juive » . Cette partie couvre les années 1926 à 1943, date du divorce des époux Jahn. Centrées pricipalement sur la période du IIIème Reich, à partir de 1933, les lettres présentées dans cette partie font partie de la correspondance de Lilli à sa famille , à ses amis de jeunesse , Leo Barth, journaliste, et son épouse Hanne de Mannheim, et à la sœur de Ernst, Lore.
Le lettres de Lilli, et les quelques lettres de Ernst mettent en évidence la politique raciale du troisième Reich et la progressive dégradation de la vie des juifs, avant même la politique de déportation et d’extermination : De l’interdiction de se déplacer dans les transports publics à celle de fréquenter les hôtels pour Aryens, et les lieux culturels (opéras, théâtres , écoles publiques…), et à celle de correspondre avec des non juifs ,les lois de Nuremberg de septembre 1935 déroulent leur catalogue de brimades et sanctions. Lilli arrête d’ailleurs sa correspondance avec les Barth et les Diekamp en 43. Puis, ayant dû renoncer à exercer la médecine, elle retire sa plaque du cabinet et se consacre à ses enfants qui naissent durant cette période : Gerhard (1927), Ilse (1929), Johanna (1930), Eva (1933) et Dorothea (1940) Mais , à partir de l’élection de Hitler, les mesures discriminatoires sont relayées par l’hostilité des élus locaux et celle des habitants que Martin Doerry détaille, et qui rend la vie de famille très éprouvante dans le petit village, même si le cabinet de Ernst reste nécessaire. Lotte Paepcke, l’amie juive de Lilli, elle même mariée à un non-juif, rapporte dans son recueil de souvenirs les brimades endurées par la famille et sa marginalisation : « Les gens du village, tout en continuant à manifester à l’égard de la maison du docteur un certain attachement (…) voyaient avec un frisson d’horreur voluptueux et complaisant comment des grands, des riches se trouvaient rabaissés en vertu de la loi et comment du même coup les gens ordinaires montaient en grade » Ainsi, le propriétaire terrien, le confrère voisin, le pasteur firent-ils comprendre à la famille que leurs relations devaient cesser étant données les circonstances politiques.
Martin Doerry montre également le rôle clef des élus locaux dans la politique anti-juive : Deux lettres du Bourgmestre P.O Gross, témoignent d’un véritable acharnement sur Lilli, dernière juive à « offenser Immenhausen de sa présence ». Le rôle de ce bourgmestre est capital dans la tragédie de Lilli puisqu’il dénonce dans un premier temps aux autorités nationales-socialistes, le « scandale » de la présence de la dernière juive à Immenhausen, puis suggère d’activer le divorce des époux dès qu’il apprend la liaison de Ernst avec une Aryenne. « comme suite à votre circulaire n° 138/42, du 17 janvier 1942, relative aux mariages mixtes privilégiés, je me dois de vous signaler que la population s’est vivement indignée de voir que la femme du médecin local (juive complète) n’est pas tenue de porter l’étoile juive. La juive en profite pour se rendre fréquemment à Cassel en train. Elle voyage en 2ème classe sans être inquiétée puisqu’elle ne porte pas l’étoile. Toute la population serait grandement soulagée si quelque chose pouvait être fait pour remédier à cet état de choses » . Le bourgmestre Gross, alors, suggère de faciliter et d’accélérer le divorce des Jahn. En effet, Ernst avait commencé une relation avec sa remplaçante au cabinet, Rita Schmidt, médecin comme lui et Aryenne, ce qui le soulageait des inconvénients dont il souffrait en étant marié à une juive.
Dans cette trame narrative, Martin Doerry rappelle qu’ il y avait encore 28000 couples mixtes en 1942 en Allemagne, plus ou moins bien protégés selon leur statut avant d’être totalement exposés, comme tous les autres, à la fin de la guerre. Il apprend également le tableau de correspondance entre les différentes mesures discriminatoires et lois anti-juives et le dégré de judaïté des personnes. Les quart-juifs, les demi-juifs, les enfants de couples mixtes convertis ou non au christianisme recevaient leur part d’opprobre de façon précise .
Ernst Jahn entreprend donc une procédure de divorce et consulte son ami juriste Leo Diekamp qui le met en garde contre les conséquences de cette décision et en particulier sur la mesure de protection dont Lilli pourrait très bien ne plus bénéficier dans le décours des événements.
Jahn protesta, après la tragédie , qu’on l’avait assuré que son épouse serait protégée jusqu’à la fin de la guerre. Evidemment, rien ne permet d’attester cette affirmation dont doutent de nombreuses personnes de la famille.
La loi allemande prévoyait dans le cas du divorce entre une juive et un non-juif que la garde des enfants irait à la mère, mais qu’elle devait abandonner tous les biens au mari : Lilli dut se déposséder au profit de Ernst de toutes ses liquidités bancaires, de sa part de la maison d’Immenhausen , pourtant principalement financée par ses parents et en dépit des inscriptions notariales qui attestaient ce financement.
Le bannissement à Cassel : troisième partie
Cette très courte partie ne contient que deux chapitres. Elle retrace la vie de Lilli, bannie avec ses enfants à Cassel et leur vie dans un appartement de rapport, jusqu’à son arrestation et son transfert au camp d’éducation de Breitenau. Elle s’étale sur un mois.
Martin Doerry montre alors la facilité qu’ont les autorités à harceler et persécuter Lilli, malgré son statut et met en valeur la panoplie de lois anti-juives à l’œuvre pour parvenir à justifier internement et arrestation abusives et donc à contourner les statuts « protégés » .
Ainsi, Lilli est arrêtée en vertu de l’ordonnance de police du 17 août 1938 qui obligeait tout juif à accoler à son prénom de naissance le prénom d’Israël et à toute juive , le prénom de Sarah. En outre, cette même ordonnance, avec d’autres lois interdisaient aux juifs le titre de Docteur ; Or, Lilli, en punaisant sur la porte d’entrée de son appartement de Cassel « Docteur Lilli Jahn », avait doublement contrevenu à l’ordonnance. C’est ainsi qu’elle devait purger une peine de quatre semaines, qui se révéla définitive.
« A bientôt, les enfants » dit-elle, en se rendant ce jour-là, au Q.G de la Gestapo. D’où le titre français. Mon cœur blessé, le titre original, étant tiré d’une autre lettre de Lilli aux enfants.
Au camp de Breitenau : quatrième partie
Cette quatrième partie constitue le cœur de l’ouvrage, la partie la plus longue et la plus poignante. Elle contient les lettres des enfants à leur mère, à Breitenau, leur adaptation à la censure, leur efforts pour faire parvenir les produits de premières nécessités et la nourriture, les pressions sur leur père pour qu’il intervienne et fasse libérer leur mère et le rapport douloureux avec leur belle-mère, indifférente et agacée d’avoir récupéré, après le bombardement de Cassel, des enfants qu’elle avait dans un premier temps refusés d’avoir à domicile et confiés d’emblée à la sœur de Ernst et le plus souvent à eux-mêmes. Le tout dans le contexte des bombardements alliés, des mesures d’exclusion dont les enfants, pourtant catholiques commencent à être victimes. Les lettres témoignent de l’état psychologique des enfants, perdus entre le besoin d’être reconnus par une société qui les marginalisait de plus en plus et leur fermait les portes des institutions (scolaires ou militaires) et l’amour pour leur mère. Gerhard, le fils aîné, intégré à la luftwaffe, essaie désespérément d’être reconnu par ses camarades d’armes comme un vrai Allemand mais est renvoyé de la Lufwaffe en 44. Ilse, la fille aînée, qui malgré ses quinze ans, joue le rôle de la mère auprès de ses sœurs ainsi que Johanna , la seconde se voient refuser en juin 44, l’accès à leurs collèges et lycée en tant que « mischlinge », métis juifs. Les enfants écrivent quotidiennement des lettres inquiètes à leur mère et tentent de lutter , en jouant certains contacts, pour sa libération.
Au delà de la biographie de cette famille, Martin Doerry, montre la mise en place des différents types de camp , leur spécificité, leur spécialisation en fonction du crime politique ou de l’appartenance à une race ou communauté désignée comme indésirable par le Reich . Le camp de Breitenau est typique à cet égard. Il était censé être réservé aux opposants politiques mais on y trouvait surtout des juifs plus ou moins en cours de transfert pour les camps. La vie, pour être moins dure que dans les camps y était pourtant extrêmement pénible, toujours à cause du travail forcé, du froid et de la faim. La correspondance y étant strictement réglée , une lettre par mois , Lilli utilisa des moyens clandestins pour donner des nouvelles , tant que cette pratique ne fut pas trop dangereuse pour elle et ses destinataires . Elle obtint même une entrevue de dix minutes avec Ilse.
La déportation à Auschwitz : cinquième partie
Après sept mois d’incarcération et de vaines tentatives d’appel auprès de Ernst, Lilli fut transférée à Auschwitz et décèda au bout de trois mois. Le dernier chapitre , très bref, contient une dernière lettre aux enfants, pudique mais sans illusion et une lettre à sa belle-sœur.
L’administration d’Auschwitz, qui généralement , ne téléphonait pas à la famille pour apprendre la mort d’un déporté, appela le cabinet Jahn à Immenhausen, et c’est Rita qui apprit la mort de leur mère aux enfants.
Aucun détail relatif à sa mort ne sera donné : Lilli peut être morte d’ épuisement, de maladie ou gazée avec les juifs hongrois .
L’épilogue
Martin Doerry balaie rapidement la libération et les années suivantes pour montrer et la poursuite des discriminations jusqu’en 1945 et la restauration progressive des droits, mais aussi les choix qu’eurent alors les juifs allemands par rapport à leur terre natale : Immigrer ou demeurer . Il passe également sur la justice d’après-guerre avec l’arrestation du Bourgmestre P.O Gross.
Cet épilogue suggère , à travers l’angle biographique adopté, les répercussions sociales, politiques mais aussi psychologiques de cette tragédie.
Gerhard, le fils de Lilli fit des études de droit et devint député sous le ministère de Willy Brandt.
Le père n’obtint que la garde de sa plus jeune fille et vit rarement ses autres enfants.
Aujourd’hui, un rue du village d’Immenhausen porte le nom de Lilli Jahn.
Citations
« Et le fait que je suis juive, Amadé chéri !!!, je le resterai toujours, pleinement consciente de mon appartenance, et personne ne pourra me déraciner, m’arracher à la communauté de mes pères.(…) Je me fais du souci parce que je me demande si le mariage avec une juive ne te créera pas de difficultés au point de vue professionnel, s’il ne freinera pas ta carrière, et je te prie de tout cœur de me répondre très franchement sur ce point » Lettre du 27 mars 1925 de Lilli à Ernst.
« Mais à part cela , nous avons été mis à rude épreuve ! (…) Pensez donc, Amadé aussi est tombé sous le coup du boycott qui a marqué la journée d’hier- parce qu’il a une femme juive ». Lettre de Lilli à Hanne et leo Barth, 2 avril 1933
« Le boycottage social dont nous sommes victimes ici, à Immenhausen, atteint un degré de perfection tout à fait surprenant. La direction SA a interdit à Bonsmann ( médecin du village voisin), l’accès à notre maison !! Le fait qu’il se soit plié à cette interdiction se passe de commentaire. Moi-même, j’évite autant que possible de sortir de la maison » Lettre de Lilli à leo et Hanne Barth, 4 février 1934.
« Il est désormais impossible à ma mère d’envoyer de l’argent à ma sœur. Ni ce qu’il lui faut pour vivre, ni le montant de ses frais de scolarité ; « sans rapport avec notre politique étrangère et culturelle », tel a été le motif invoqué. Et maintenant ? N’est-ce pas une iniquité révoltante : d’abord on nous prive de toute possibilité ici même et à présent, on veut nous empêcher de faire notre chemin à l’étranger. » Lettre du 25 octobre 34 à Hanne et leo Barth.
« Cependant, le contrôle du mélange racial porte sur la personne de la grand-mère. La grand-mère représente en quelque sorte le point trigonométrique auquel le gouvernement allemand se réfère afin de déterminer la qualité aryenne de l’individu allemand, laquelle suppose l’exclusion de la part juive. Pour tous ceux qui, se tournant vers l’arrière, en direction de ce point, tombent sur une grand-mère juive, celle-ci devient la « grand-mère fatidique … » Le contenu racial, exprimé en centièmes, avec la grand-mère comme point de référence, est actuellement la préoccupation majeure de la masse soucieuse de légitimer sa présence sous le toit aryen. La grand-mère juive est devenue le mot du jour- mot pour rire et mot de la fin. C’est précisément pourquoi il m’importe, cher Peter, de te présenter ta grand-mère juive »Lettre de Max Mayer , grand-père juif, à son petit-fils Peter , le jour de son baptême chrétien. Le 9 mai 1938.
« ma petite maman chérie, je me demande comment tu vas ! J’aimerais tellement que tu ailles bien. Pourvu que tu ne prennes pas froid (…) Ne tombe surtout pas malade. Mange à ta faim. Profite de ce que nous t’envoyons (…) et ne sois pas trop triste. » Lettre de Ilse à sa mère internée à Breitenau, le 7 octobre 1943
« cela fera demain déjà sept semaines que j’ai quitté la maison et les enfants me manquent souvent au point qu’il me semble que je vais défaillir (…) Ernst ne pourrait-il pas adresser une demande à qui de droit au cas où je ne serai pas libérée au bout de deux mois ? Il peut bien tenter au moins de faire encore quelque chose pour moi, ou bien ? » Lettre de Lilli à Lore, le 17 octobre 1943.