L'histoire de l'esclavage dans les Instructions
Les Instructions officielles depuis la loi Taubira (21-05-2001)
Cependant, plus récemment, et plus précisément depuis la loi Taubira du 21-05-2001 une circulaire souligne que l’institution scolaire doit accorder une place importante à cette question1. Elle entend ici rappeler que les enseignements d’histoire-géographie mais aussi d’éducation civique, de lettres, de philosophie, de langues étrangères, ou encore d’éducation musicale ou d’arts plastiques permettent par des approches variées et complémentaires d’aborder les thèmes de la mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.
1- Circulaire n° 2005-172 du 2-11-2005, BO n°41 du 10.11.2005 http://www.education.gouv.fr/bo/2005/41/MENE0502383C.htm
Devoir de mémoire- Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions.
En introduction, cette circulaire précise que « L’institution éducative accorde une place privilégiée aux réflexions sur la mémoire : à ce titre, le thème de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions s’inscrit dans la mission d’éducation, comme l’a rappelé le rapport du Comité pour la mémoire de l’esclavage remis au Premier ministre le 12 mai 2005. » Elle souhaite « inciter [la communauté éducative] à mieux la [mémoire de l’esclavage] prendre en compte dans les enseignements et dans les actions éducatives. »
1 . Les enseignements
De l’école primaire jusqu’au lycée, les programmes d’enseignement se prêtent à une présentation diversifiée de ce sujet. Ceux d’histoire-géographie, principalement en classe de 4ème et de première, offrent aux professeurs la possibilité de donner aux élèves de solides connaissances sur la traite négrière, l’esclavage et les révoltes qui ont précédé son abolition définitive.
2. Les actions éducatives
Les maîtres du primaire et les professeurs de toutes les disciplines dans l’enseignement secondaire sont invités à se saisir de cette question pour proposer aux élèves diverses activités à l’occasion de journées de commémoration, de classes culturelles à thème ou d’expositions. Ils pourront inscrire la journée internationale pour l’abolition de l’esclavage (le 2 décembre) dans un projet structuré conduit tout au long de l’année autour de grandes thématiques fédératrices (droit, mémoire, solidarité, etc.). Pour les aider, des outils pédagogiques seront disponibles en ligne
http://eduscol.education.fr et http://www.parcoursciviques.org »
2 - Note de service n° 2005-177 du 4-11-2005, BO n°42 du 17-11-2005 http://www.education.gouv.fr/bo/2005/42/MENE0502390N.htm
Activités éducatives- Parcours civiques
Il est proposé une éducation à la citoyenneté au travers de parcours civiques mêlant différentes disciplines sur un travail de toute une année scolaire. Les domaines de ces parcours sont : Droits - Mémoire - Solidarité - Europe. Il est ainsi précisé que ces parcours civiques sont « une occasion privilégiée pour les élèves de (…) faire un travail de mémoire dans un but pédagogique et éducatif. »
En annexe de la note sont précisés les jours correspondants à un travail de mémoire :
« Journée de la mémoire de l’holocauste et des crimes contre l’humanité (27 janvier 2006), Journée nationale du souvenir des victimes de la déportation (dernier dimanche d’avril 2006).»
Il a été ajouté depuis avril 2006 sur le site http://www.parcoursciviques.org :
« 10 mai : Journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage. »
3- Note de service n° 2006-068 du 14-4-2006, BO n°16 du 20-04-2006 http://www.education.gouv.fr/bo/2006/16/MENE0601128N.htm
10 mai 2006 : mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions
Dans cette note, il est fait mention de l’allocution du président de la République le 30 janvier 2006 devant les membres du « Comité pour la mémoire de l’esclavage » lors de laquelle la date du 10 mai (adoption de la loi par le Sénat reconnaissant la traite et l’esclavage comme crime contre l’humanité) a été choisie pour honorer « le souvenir des esclaves et commémorer l’abolition de l’esclavage. »
Il est ajouté que dans cette allocution, « le président de la République a aussi tenu à souligner qu’au-delà de cette commémoration, l’esclavage devait trouver sa juste place dans les programmes de l’éducation nationale à l’école primaire, au collège et au lycée. »
4- Texte du 5 mai 2006 de la Direction générale de l’Enseignement scolaire
http://eduscol.education.fr/D0090/esclavage_dans_programmes_scolaires.pdf
Ce texte constitue le développement le plus important à ce jour sur la question de l’esclavage dans l’enseignement. En effet il reprend les programmes scolaires du primaire et du secondaire et insiste sur la présence explicite et implicite de la question au sein des programmes. Il convient toutefois de préciser que ce texte fait suite à la circulaire du 10 novembre 2005 mais qu’il n’a pas la même valeur juridique que les instructions officielles publiées au BO de l’Education nationale et définissant les programmes des enseignements.
En ce qui concerne les programmes scolaires de l’enseignement primaire il rappelle le développement explicite de la question de l’esclavage en histoire au cycle 3. Par ailleurs le ministère explique ici la présence implicite de la question à travers de l’étude de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen, mais surtout de certains ouvrages de littérature jeunesse mentionnés dans les documents d’application comme Deux graines de cacao d’Evelyne Brisou-Pellen, Grand-mère, ça commence où la route de l’esclavage ? de Dany Bebel-Gisler et Sur les traces des esclaves de T. Davidson.
Ce même effort d’analyse s’observe au niveau du collège pour chaque niveau et pour chaque discipline :
En histoire-géographie :
- niveau 6ème: le texte indique la possibilité « de faire une mention explicite dans l’étude de l’Egypte, de la Grèce et de Rome de la réalité de l‘esclavage antique. » Différents textes littéraires sont ensuite proposés pour aborder ce thème (Homère, la Bible, Sénèque).
- niveau 5ème : lors de l’étude de l’Afrique en géographie, il est précisé que l’esclavage peut être évoqué dans la présentation du poids de l’histoire ancienne et récente du continent. En histoire, « le recours à l’esclavage peut être associé à la destruction des civilisations amérindiennes dans le chapitre « L’Europe à la découverte du monde » ».
- niveau 4ème : « l’étude de la Monarchie absolue, le développement du premier empire colonial français, une référence au Code noir de 1685, le commerce triangulaire peuvent être mentionnés explicitement dans le programme. Dans la période révolutionnaire (1789-1815), l’abolition de 1794, le rétablissement de l’esclavage en 1802 et la révolte de Saint-Domingue sont à mentionner. Un dossier peut être consacré enfin à l’abolition de l’esclavage en 1848. »
En ce qui concerne l’éducation civique, il est indiqué que l’occasion d’une réflexion sur le problème de l’esclavage est offerte dans l’examen des Libertés et des droits ainsi que dans l’étude de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen en classe de 4ème.
En français :
Pour aborder la question de l’esclavage, des récits de voyage (Marco Polo, Bougainville, Jean de Léry) sont proposés pour le niveau de 5ème, et des textes de satire et de critique sociale (Montesquieu, Voltaire) pour celui de 4ème. Il est également fait mention de deux bandes dessinées : Tintin au Congo d’Hergé et Le bois d’Ebène de F. Bourgeon.
Ce document d’éducation à la citoyenneté autour de la « Mémoire de l’esclavage et des abolitions de la traite négrière» fait aussi mention de la présence de la question dans les programmes de lycée.
En histoire et géographie :
-niveau seconde : le texte souligne le commentaire du programme sur les « limites de la citoyenneté athénienne » et propose une mise au point « sur la situation de l’esclavage au moyen âge et les différences avec le servage féodal » dans le cadre du thème sur « La Méditerranée au XIIe siècle carrefour des civilisations ». Le thème V est celui qui permet de revenir sur « la difficile abolition de l’esclavage, la première abolition avec la Révolution, son rétablissement en 1802, la seconde abolition en 1848 ». Le texte mentionne aussi qu’à cette occasion, «l’indépendance d’Haïti de 1804 peut être évoquée » alors que trois grandes personnalités doivent être évoquées, l’Abbé Grégoire, Toussaint-Louverture et Victor Schoelcher. Enfin les thèmes d’Education civique juridique et sociale « citoyenneté et travail » et « citoyenneté et intégration » peuvent introduire une réflexion sur l’esclavage.
- niveau de première : le texte propose l’analyse des nouvelles formes de domination lors de l’étude de la colonisation en histoire ainsi que la possible prise en compte des anciennes sociétés coloniales au moment de l’étude des DOM-TOM en géographie.
En français :
-niveau seconde : d’après les programmes analysés ici, une réflexion autour de l’esclavage peut se conduire dans le cadre d’un travail sur l’argumentation. Ce sont les documents d’accompagnement qui indiquent ici plus explicitement l’opportunité d’étudier l’esclavage et la traite négrière à travers la question de l’altérité. Le texte mentionne ensuite des textes littéraires ou documents pouvant être choisis par les enseignants : Jean de Léry, Histoire d’un voyage en terre de Brésil ; La Boétie, Discours de la servitude volontaire ; Montaigne ; Diderot et d’Alembert ; Voltaire, Candide ; Hugo, Bug Jargal ; Césaire, Cahier de retour au pays natal ; Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique ; Styron, Les confessions de Nat Turner ; Le Code noir de 1685 ; Condorcet, Réflexions sur l’esclavage des nègres ; Schoelcher, « Décret d’abolition de l’esclavage »1848 ; Todorov, La conquête de l’Amérique, Nous et les autres…..
-niveau de première : le programme prévoit l’étude d’ « un mouvement littéraire et culturel ». Le texte propose donc d’autres ouvrages comme Bernadin de Saint-Pierre, Paul et Virginie ; Marivaux, L’Ile aux esclaves ou encore Primo Levi, Si c’est un homme ; Lévi-Strauss, Tristes tropiques, Race et Histoire ; Angé, La traversée du Luxembourg ; Césaire, La tragédie du roi Christophe ; Alejo Carpentier, Le siècle des Lumières.
En langues anciennes :
Ce document ministériel rappelle ici que l’enseignement des langues anciennes permet l’étude des divers aspects de la condition d’esclave à partir des « textes fondateurs » comme l’Odyssée en classe de 6ème et en grec en classe de première. En latin l’étude de la vie quotidienne en 5ème, de la vie de la cité en 4ème et de la fin de la République en 3ème , avec la révolte de Spartacus, peuvent aussi donner l’occasion d’aborder l’esclavage. Il peut aussi être vu en grec en première avec la Vie de Crassus de Plutarque. Il en est de même pour l’étude des auteurs latins Plaute et Juvénal en seconde ou Pétrone et Sénèque en terminale.
Enfin, l’enseignement professionnel n’est pas à l’écart de cette analyse. La question de l’esclavage et de la traite est ici implicitement contenue dans les programmes d’éducation civique juridique et sociale de BEP et Baccalauréat professionnel à travers l’étude des Droits de l’Homme. En ce qui concerne l’enseignement du français en CAP les finalités du programme peuvent conduire les enseignants à choisir des textes qui envisagent la question au sein des parties consacrées à « s’insérer dans la cité » ou « découvertes des cultures et des représentations de l’autre ». De même, en BEP le programme préconise des œuvres qui peuvent être choisies en fonction de cette problématique conformément aux propositions faites précédemment pour l’enseignement général et technologique. Par ailleurs, les documents d’accompagnement du baccalauréat professionnel proposent explicitement une séquence sur L’Ile aux esclaves de Marivaux.
1 circulaire n° 2005-172 du 2-11-2005, BO n°41 du 10.11.2005.