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Situation-problème, étude de cas, dossier documentaire et TICE

Yvan Carlot (IUFM de Lyon)



Explicitation de l’étude de cas sur Montvalezan- La Rosière


 

 


PRESENTATION :


Cette communication part d’observations menées dans les lycées professionnels ainsi que de l’émergence d’attentes nouvelles de la part des stagiaires en cours de formation initiale. Cela concerne la difficulté pour structurer de véritables d’étude de cas et la place à donner aux dossiers documentaires dans la formation des élèves. Encore trop peu d’enseignants s’y engagent réellement, faute peut-être d’un recul suffisant sur ce qu’implique ce “ changement de paradigme pédagogique lié à un changement épistémologique ” ( LP. Jacquemond - AFDG - 26/04/2003 )


Le support de la réflexion est une proposition de séquence pédagogique de géographie utilisable uniquement en salle informatique. Elle a été conçue pour “ servir d’exemple-type ” afin de favoriser l’usage des TICE dans les classes de géographie mais aussi pour montrer que, par cette mise en forme informatique, l’on peut associer des méthodes de travail, des concepts opératoires, des outils spécifiques disciplinaires – en l’occurrence les cartes -, autour de notions et de données factuelles liées au thème abordé. Il s’agit de rendre abordable et exploitable par les élèves une situation géographique précise dans sa diversité et sa complexité. C’est d’une certaine manière mettre en application les recommandations exprimées par Michel Hagnerelle, doyen de l’Inspection générale, lors du bilan de mise en œuvre des nouveaux programmes de géographie de seconde (24/04/2002).


Toutefois, la présence de plus en plus fréquente en classe du média qu’est le tandem ordinateur portable / vidéo-projecteur infléchit les pratiques vers des formes d’imposition qui , si l’on n’y prend pas garde, réimpose le discours magistral et réinstalle les apprenants dans leurs “ métier d’élève ”. Cet espèce de retour à un enseignement frontal va à l’encontre des orientations souhaitées qui se retrouvent dans les instructions ministérielles : sortir le document de son statut d’illustration, développer les études de cas, problématiser, argumenter mettre en activité des élèves pour la construction des savoirs… et même utiliser les TICE comme “ outils supplémentaires tant d’appropriation de savoirs et de méthodes que de production de travaux ”1. Il s’agit aussi dans cette proposition de montrer que l’usage de diaporamas informatiques ( les “ powerpoint ” ) ne débouche pas uniquement sur un enseignement frontal de type magistral mais qu’ils peuvent servir pour des activités où les élèves sont en autonomie pour la construction de savoirs géographiques liés à des questions du programme.



Cette situation d’apprentissage ouverte porte sur l’évolution d’une commune de montagne qui est passée au cours du XXème siècle du système sylvo-agro-pastoral au système actuel où le tourisme est devenu la ressource principale de ce village dont le déclin semblait irrémédiable ; mais au prix d’une restructuration territoriale entraînant une série de changements dans l’organisation et le fonctionnement de ce versant alpin géré par la commune. Il s’agit de Montvalezan en Tarentaise ( Savoie ) qui s’est dotée d’une station de ski, La Rosière, tout en se distinguant bien de ses grandes voisines, Les Arcs, La Plagne, Tignes-Val d’Isère. Sa situation frontalière avec l’Italie ( col du Petit Saint-Bernard ) ajoute indéniablement un élément original, avec en particulier la création du premier GIE européen entre le village et la station italienne de La Thuile pour la création et la gestion d’un domaine skiable commun.


La documentation vient principalement d’un ouvrage d’érudits locaux actifs dans le développement touristique de la commune. Cet ouvrage “ 100 ans là-haut, de 1900 à 2000 - Montvalezan - La Rosière ” de Gisèle et Roger GAIDE auteurs-éditeurs

possède une abondante documentation iconographique de qualité et un ensemble d’informations qui autorisent la reconstitution au cours des 100 ans passés, de ce passage du système agro-pastoral de la montagne alpine au système touristique qui prédomine actuellement. Pour dépasser le cadre de la monographie et intégrer les critères d’une étude de cas problématisée, d’autres documents complètent ce fond initial ( données sur les stations de ski de Tarentaise, sur les domaines skiables de l’ensemble des massifs français, sur les jeux olympiques d’hiver et sur les problèmes environnementaux… ) invitant au changement d’échelle nécessaire au raisonnement géographique. La mise en forme pédagogique a aussi nécessité un travail particulier afin de permettre cette situation d’apprentissage ouverte, exploitable à différents niveaux de classe et laissant une grande liberté d’utilisation ou d’entrées.


En effet, cette proposition s’insère dans les programmes de seconde générale et technologique ( 2002 ) correspondant à un des deux thèmes au choix “  les montagnes entre traditions et nouveaux usages ” mais aussi dans les programmes de première séries ES, L et S, point III.2 : “ La France et son territoire, des milieux entre nature et société ”. De même, cette situation d’apprentissage peut être mobilisée en première STT, dans une des questions au choix, point II.2 “  les mutations des espaces ruraux français ” et II.4 “ Le tourisme en France et dans l’Union Européenne ”. En première, série hôtellerie, l’étude de cas de Montvalezan – La Rosière est exploitable comme fil rouge du programme. En lycée professionnel, elle convient pour la terminale BEP aussi bien en géographie, point I.4 “ l’organisation des espaces agricoles ” et I.5 “ l’organisation des espaces de loisir ”, qu’en histoire, point II.2.1 “ la France : croissance économique et mutations sociales, les transformations de la vie quotidienne ”. Tout comme dans les sections générales, le programme de première baccalauréat professionnel offre des possibilités pour exploiter cette proposition, point 3 “  l’organisation du territoire ” et point 5 “  les citoyens et leurs territoires ”. C’est pour répondre à ce large spectre de possibilités que le corpus documentaire est volontaire riche et diversifié. Mais c’est aussi pour rendre compte de la complexité du réel.



L’ARRIERE-PLAN THEORIQUE :


Cet arrière-plan a déterminé la structure de la situation d’apprentissage mobilisant les TICE. Ses composantes en sont les suivantes : trois dossiers distincts, l’un est destiné à l’enseignant “ 3.LR_Professeurs ”, l’autre aux élèves “ 1.LR_ClasseurEleves”  et le corpus documentaire “ 2.LR_DossierDocumentaire ”.  Ces deux derniers sont regroupés dans “ LR_Séquence pédagogique ” et c’est uniquement cet ensemble qui sera mis en ligne.

Le classeur élèves contient la séquence de cours ( présentation des objectifs, déroulement, consignes et tâches, type de travail demandé ), les activités évaluées ( au nombre de deux ainsi qu’un bilan d’évaluation à compléter – autoévaluation - mais aussi servant de guidance pour l’avancement du travail, un fichier vide DonnéesWebUtiles pour déposer le résultat de possibles recherches sur Internet s’il y a connexion, enfin une sauvegarde des activités évaluées en cas de fausse manipulation entraînant la perte du fichier les activités évaluées .

Le dossier professeurs contient la fiche de route pour cette séquence, les références aux programmes issues du BOEN ( uniquement pour les LP ), la description de la situation d’apprentissage ainsi que les fichiers de sauvegarde (“ matrices ” ). A été ajouté un exemple de corrigé. Ainsi qu’une autre proposition issue du dossier documentaire ( axes routiers ).

Le dossier documentaire contient la base de données. Le corpus entièrement sous forme informatique est composé lui-même de deux éléments distincts : une série de 9 diaporamas thématiques et une base de données complémentaires. Il s’agit de documents divers ( extraits d’ouvrages, articles de journaux, données statistiques, croquis cartographiques ) conçus pour apporter des informations éclairant un document placé en tête de liste qui est une fiche d’information sur Montvalezan – La Rosière ( a1.LR_FicheInfos.doc ). Ces documents ne sont pas des “ documents-source ” car ils tous été composés pour être limité en taille, centrés sur une idée contenue dans le titre et pour se répondre l’un l’autre. Ils sont classés en cinq groupes thématiques ( a : la commune, b : la Tarentaise, c : les Alpes, d : la neige de culture, e : ski France-Europe-Monde ).


La réalisation de cette situation d’apprentissage ouverte essaie de prendre en compte et d’articuler quatre éléments : trois à caractère didactique la situation d’apprentissage, l’étude de cas et situation problème, la démarche de dossier documentaire et un lié aux hypermédias la capacité de navigation et de mise en relation de documents par l’association d’images, par les hyperliens. Mais les intentions vont plus loin : entraîner les élèves à la démarche systémique, à l’approche de la complexité des faits géographiques. La présente réflexion est étayée par les travaux d’une recherche-action menée dans l’Académie de Nice sur le dossier documentaire ( 2002 – 2003 ) et par la recherche INRP sur les SIG comme facteur d’innovation en géographie ( 1999 – 2004 ). Ces recherches ont déjà fait l’objet de communications au cours des précédentes journées de didactique de l’histoire – géographie de l’INRP, à Lyon 2003 et à Caen 2004.


Je ne reviens pas sur la formalisation de ces différentes composantes didactiques ou épistémologiques connues qui ont fait l’objet de recherches et de nombreux écrits et que l’on retrouve dans l’ouvrage d’Anne Le Roux2. Seules des figures schématiques synthétisent leur organisation interne afin de visualiser les articulations et connections possibles ou souhaitables.


LA SITUATION D’ APPRENTISSAGE ( figure 1 )

Succinctement, il s’agit d’associer des savoirs disciplinaires à des modes de pensée pour que les élèves élaborent un ensemble de connaissances sur un thème défini, connaissances participant à la construction de leur personnalité d’adulte. Pour cela, une situation d’apprentissage peut être considérée comme un système didactique qui a sa propre unité, sa propre cohérence, pouvant donc fonctionner de façon autonome. Ce qui facilite toutes les stratégies d’exploitation en classe. Cette unité et cette cohérence ( de sujet d’étude, de notion, de problématique, de démarche ) se retrouvent dans le jeu de documents qui sert de support aux activités, l’essentielle de celles-ci étant la mise en relation. Les enjeux : mettre en place le raisonnement disciplinaire et donner du sens aux apprentissages.


Ce qui est proposé ici est une “ situation d’apprentissage ” ouverte, c’est à dire qu’il est possible sur la même base documentaire centrée sur une “ étude de cas problématisée ” de mettre en activité des élèves par groupes de deux ou trois sur des thèmes différents qui ont été retenus de préférence par les élèves eux-mêmes et qui seront évalués selon des critères intégrés à cette situation d’apprentissage. L’enseignant a la liberté de maintenir l’intégralité du corpus documentaire ou de le réduire afin de limiter le choix des élèves voire même d’imposer celui qui convient le mieux à sa programmation annuelle. Il est possible de mobiliser cette séquence pour d’autres apprentissages de type méthodologique : en premier lieu la lecture de paysage, la lecture de cartes IGN, l’analyse de photographies anciennes, , , Toutefois l’objectif est le même : les élèves doivent réaliser un “ dossier documentaire ” sous forme informatique qui corresponde aux exigences du “ dossier documentaire élève ” sous forme papier. De fait, cette situation d’apprentissage ouverte met en place une “ situation de haute-tension ” car les élèves doivent dans le délai défini par l’enseignant ( de 3 à 6 heures en général ) gérer une situation inédite. En effet, ils auront dans un premier temps à intégrer les objectifs de cette situation d’apprentissage ainsi que le travail demandé sur lequel ils seront évalués. Dans un second temps, pour aboutir, c’est-à-dire réussir à composer ce dossier documentaire évalué, cela impose aux élèves dans cette situation “ d’apprentissage par exploration ” de mettre en place un “ schéma opératoire ” préalable3. Ce plan d’action élaboré, les élèves franchissent une série d’étapes : décrypter de manière globale le corpus documentaire, formaliser le thème de leur choix, interroger ce thème en élaborant une problématique, faire un choix limité mais pertinent de documents ( 8 à 10 maximum ) pour répondre à cette dernière, réaliser le dossier documentaire comme une réponse. Ce travail d’argumentation, d’explicitation exprime le degré de compréhension de la situation géographique étudiée. En somme, une procédure qui n’est en rien originale car les écrits portant sur l’étude de cas énoncent sensiblement ce même déroulement.


Pourtant le fait que cette séquence se déroule en salle informatique modifie notablement un certain nombre de critères. On peut citer, la capacité des bases de données informatiques à présenter et gérer des situations permettant de mieux aborder la complexité du réel qu’il est impossible à réaliser sous forme papier, le rôle des hyperliens dans l’organisation de la pensée systémique, le degré d’autonomie laissée aux élèves et la modification du statut de l’enseignant. C’est-là que s’expriment difficultés et résistances à ce “ changement de paradigme pédagogique ”.



L’ ETUDE DE CAS ( figure 2 et figure 3 )

Dans “ Les mots de la géographie ” de Brunet et alii, c’est un exemple à l’appui d’une démonstration ou recherche en application d’une théorie, destiné à la vérifier, à l’illustrer ou, plus rarement, la réfuter. Sans reprendre les réflexions sur ce qu’est une étude de cas en didactique à savoir soit une procédure de modélisation4 si l’étude de cas sert de test après l’élaboration d’un modèle, soit d’exemple illustratif dans des démarches classiques alliant Autorité/Vérité/Adhésion ( N. Tutiaux-Guillon )5. Reste donc à respecter dans la mise en place une certaine distance pour éviter de tomber dans les travers cités. En tenir compte n’est pas toujours aisé ; néanmoins lors de la réalisation du corpus cette distance peut être prise afin que les élèves ne tombent pas à leur tour dans un discours de vérité. Du point de vue pédagogique, il s’agit d’un concept opératoire qui comprend une dimension notionnelle, une problématisation et une contextualisation. A noter que l’on constate que cette dernière est maintenant sortie de l’étude de cas proprement dite pour devenir son prolongement “ la mise en perspective ” par un retour aux pratiques enseignantes classiques. Dans le cas présent, cette contextualisation fait partie intégrante de l’étude de cas sur Montvalezan – La Rosière.


Pour assurer l’unité et la cohérence d’ensemble des documents de la situation d’apprentissage, il a été pris soin de respecter ce qui caractérise l’étude de cas, à savoir sa structuration autour d’une notion centrale. Pour cette étude de géographie, c’est la notion-clé est celle d’espace, d’espace montagnard plus précisément : organisation, aménagements, fonctionnement et évolution. L’espace étudié a été “ contextualisé ” par un changement d’échelle : la Tarentaise, le massif alpin, les montagnes françaises. Les autres notions associées sont celle d’étagement et de système(s) montagnard(s). Enfin pour donner du sens par une argumentation construite, l’étude de cas s’appuie sur une problématique interrogeant l’organisation, le fonctionnement, et l’évolution de cet espace. Il s’agit en définitive de mettre en évidence le système spatial sous-jacent aux faits, aux données géographiques observées ou inventoriées et du rôle des acteurs dans leurs choix. Ce qui mène à rendre compte de sa complexité.


PROBLEMATISATION ET SITUATION PROBLEME

La problématisation de la situation d’apprentissage6 est contenue dans le premier diaporama. Elle porte sur la mutation que le territoire communal de Montvalezan a subi à travers le XXème siècle en particulier avec la création d’une station de ski à partir des années 1960. La problématisation s’articule autour de quatre documents qui reviennent de manière récurrente dans les divers diaporamas : il s’agit d’une photographie aérienne oblique en hiver, une photographie prise du versant opposé en été, la carte IGN au 1 / 25 000 du territoire communal et la courbe démographique de 1561 à 1999. Ce qui n’exclut pas la mise en place d’autres mobilisant un corpus documentaire plus réduit autour d’un thème plus circonscrit. Si la problématique, rendue explicite, facilite la mise en situation de l’étude de cas ( on peut faire un parallèle avec la scénarisation pour les SIG didactiques7 ), elle ne réduit pas pour autant la situation problème qu’ont à résoudre les élèves. En effet, ces derniers se trouvent devant une tâche à accomplir dont ils ne maîtrisent pas toutes les procédures et cette tâche se présente comme un défi au niveau des connaissances. La résistance que présente cette situation d’apprentissage, conduit les élèves à s’interroger sur leurs connaissances et représentations acquises, sur les images qu’ils ont de la montagne et du tourisme d’hiver. Pour que la situation problème ne soit pas problématique, des logiques d’ordre et de titres facilitent la circulation dans le corpus documentaire. Ce dernier comporte aussi une série de documents strictement explicatifs. Cette dualité problématisation - situation problème avec une mise en forme des données destinée à favoriser les activités des élèves a incité l’équipe de recherche sur les SIG didactiques comme facteur d’innovation8 à adopter l’expression d“’étude de cas problématisée ”.



LA DEMARCHE DE DOSSIER DOCUMENTAIRE (figure 3 et figure 4)

On ne peut réduire le dossier documentaire en une mise en forme structurelle d’un jeu de documents ( titre, sommaire, introduction, développement et illustrations, conclusion, lexique, références ). C’est surtout du point de vue didactique, une démarche s’inscrivant dans le courant socio-constructiviste qui permet aux élèves de traiter de l’information, de choisir des documents pertinents, de les interroger pour en extraire des connaissances, de classer celles-ci en un système d’argumentation à partir d’une problématique préalablement élaborée et d’évaluer les compétences acquises. Enfin de restituer l’ensemble selon une structure habituellement admise et parfaitement identifiable dans ses composantes formelles, ce que l’on nomme “ dossier documentaire ”. Encore faut-il différencier le “ dossier documentaire d’enseignement ” (celui qui est utilisé comme corpus de travail en cours, de la situation d’apprentissage ), du “ dossier documentaire élève ” beaucoup plus restreint, qui présente le travail de restitution. Et sur lequel porte les évaluations ( de forme, de contenus, de maîtrise des démarches disciplinaires et transversales ). Le dossier documentaire d’enseignement doit se présenter en deux ensembles distincts et très inégaux en volume : le dossier d’accroche qui présente le thème, le contexte ( lieu, période, faits, acteurs ) et favorise l’émergence d’un paradoxe, d’un déséquilibre et de tout ce qui peut engendrer une interrogation de la part de l’élève. La lecture de ce dossier d’accroche favorise la formulation de la problématique et de l’introduction. Le dossier principal comprend des documents de nature différentes, en nombre suffisant pour permettre aux élèves d’accéder aux informations portant sur les différents aspects du thème traité…afin d’apporter une réponse argumentée à la problématique.9


La situation d’apprentissage proposée est une mise en abîme de cette démarche dans le cadre TICE, en proposant des diaporamas dans le corpus documentaire et en demandant aux élèves de réaliser leur propre diaporama informatique structuré comme son équivalent papier.


LES HYPERMEDIAS

Si la mise en relation des documents en grandement facilitée par les hyperliens installés dans le corpus, la gestion du corpus documentaire s’avère déterminante pour que les élèves arrivent à mener à bien le projet. Pour cela, ils doivent élaborer un schéma opératoire, c’est-à-dire une sorte de stratégie pour rechercher les documents pertinents puis les insérer dans l’argumentation. “ Dans l’apprentissage par exploration, le sujet élabore lui-même son objectif, à partir d’un objectif plus large défini par un tuteur. L’élaboration d’un plan d’action ( le “ schéma opératoire ” ) s’avère ici absolument nécessaire dans la mesure où, seule une décomposition en sous-buts permet de réaliser l’objectif10 ”. De ce fait, c’est mettre les élèves sur le chemin du métier de géographe. Mais leurs stratégies vont souvent à l’encontre de ce schéma opératoire, procédant par tâtonnement ( nombreux allers-retours ), par contournement pour mobiliser les informations “ utiles ” ; à deux ou trois devant chaque poste, cela exige aussi un temps de discussions et de négociation.


La maîtrise informatique se limite à quelques opérations simples ne nécessitant pas d’apprentissages spécifiques mais qui peuvent ralentir l’activité des élèves n’ayant pas l’habitude de travailler sur ordinateur : “ copier – coller ”, recalibrage de documents transférés, fonctions de dessin et d’écriture sur “ powerpoint ” pour les élèves désirant créer des documents originaux et naturellement le traitement de texte pour rédiger introduction problématique, conclusion… et la mise en forme de chaque document retenu ( titre, source, informations utiles au thème apportées par le document, avec quel autre document est-il mis en relation, l’intérêt de ce document pour répondre à la problématique, les raisons du choix ). Enfin pour établir un bilan personnel : quelles connaissances nouvelles j’ai apprises en réalisant ce dossier documentaire, quelles compétences j’ai mobilisées ?



DIFFICULTES ET RESISTANCES :


LA SITUATION DE HAUTE TENSION

Elle est au centre du processus d’apprentissage ainsi mis en place.

Les élèves se retrouvent dans une situation de dévolution de problème11 avec les trois phases à franchir, celle “ d’action ” qui consiste à analyser, à décrypter la situation d’apprentissage pour la comprendre, ensuite celle “ de formulation ” qui demande aux élèves de se positionner par rapport à la tache demandée ( réaliser un dossier documentaire sous forme informatique ) enfin celle “ de validation ” qui correspond à cette réalisation nécessitant en cela de mobiliser des activités intellectuelles comme identification, comparaison, hiérarchisation que l’on retrouve dans le raisonnement géographique12.  Si leur méthode d’acquisition ne procède pas d’un schéma opératoire préalablement défini, la saturation et la lassitude visuelle deviennent des facteurs bloquants. De même, les pertes de temps, la sensation de ne pas y arriver débouchent sur une impasse. Et le travail d’écriture peut aussi jouer comme frein. R. Lewis rappelle qu’apprendre conjointement avec un hypermédia13, cela se passe devant l’écran : discussions entre élèves mais aussi entre le groupe d’élèves et l’enseignant. Ce processus de co-construction des savoirs est grandement facilité si l’enseignant a conscience de son rôle essentiel : il devient “ personne ressource ” tour à tour expert, facilitateur et tuteur, en particulier pour ramener les élèves sur les pages de déroulement des tâches et des consignes. La structuration de la situation d’apprentissage, tente de prendre en compte ce qui peut être perçu comme déstabilisateur. Mais il s’agit d’une modification du contrat didactique habituel.


Et cette modification qui joue sur les relations professeur – élèves, est parfois perçue par l’enseignant comme facteur à risque. Par peur “ de perdre le contrôle de la classe ”, ce dernier cherche en plus à réduire l’incertitude générée par le fonctionnement autonome et différencié des groupes d’élèves devant chaque poste ; incertitude née du fait que les procédures employées par ces derniers sont toutes différentes et que les travaux réalisés et à évaluer sont tout sauf uniques. Il est tout à fait envisageable que l’enseignant s’emparant de cette situation d’apprentissage ouverte la mobilise dans une logique d’imposition, sous forme frontale, celle non souhaitée : l’enseignant prend l’initiative de sélectionner que les éléments du corpus qu’il juge utile pour faire son cours avec un vidéo-projecteur. Dommage. Dans une logique d’exploration, deux voies principales se dégagent : d’un côté, une forme basse avec une SA simplifiée pour une guidance plus forte, réduisant ainsi cette incertitude tout en maintenant une relation professeur - élèves proche du statut habituel. L‘activité se rapproche alors d’un TP avec TICE. A l’autre extrémité, l‘enseignant peut choisir la forme élargie, ouverte complètement avec l’intégralité du corpus et la mobilisation d’Internet. Mais il doit alors s’attendre à gérer des situations diversifiées liées à la possible dispersion. D’autres formes sont possibles, intermédiaires entre ces deux voies succinctement décrites.

Quoiqu’il en soit, ce type de SA demande une bonne maîtrise des savoirs et une pratique assurée de la part de l’enseignant. Elles demandent de plus, en amont, un bon travail de préparation. On comprend pourquoi ce type de proposition agit comme un révélateur du spectre des pratiques de l’enseignant.





Le potentiel offert par la construction de situations d’apprentissage en géographie construite avec les TICE sous forme d’études de cas paraît suffisamment riche pour renouveler l’intérêt des élèves et pour modifier l’image qu’ils ont de la discipline. Mais en remettant en cause de leur métier d’élève car exigeant aussi des efforts renouvelés et une certaine persévérance, ce type de situation d’apprentissage sera rejetée par certains d’entre-eux, puisque modifiant un ensemble de comportements et de règles intériorisés selon les disciplines enseignées.

Est-ce une raison suffisante pour ne pas, dans un premier temps, expérimenter, puis dans un second temps d’essayer d’adapter pour une possible généralisation ?


Yvan CARLOT


INRP : Journées d’étude de didactique histoire-géographie

Reims, Octobre 2006



1 Cf. le programme de classe de seconde dans le BO HS n°6 du 29 août 2002 .

2 LE ROUX Anne “ Didactique de la géographie ” 2ème édition, Presses universitaires de Caen, 2003.

3 S. GENEVOIS  “Le SIG : un outil didactique innovant pour la géographie scolaire ? ” , Les Dossiers de l’ingénierie éducative n° 44, octobre 2003.

4 DURAND – DASTES “ Les modèles en géographie ”, Encyclopédie de la géographie, 1992.

5 N. TUTIAUX-GUILLON “ L’école à l’épreuve de l’actualité ” sous la direction de A. LEGARDEZ et L. SIMONNEAUX, Ed. ESF 2006. Dans son article et sa bibliographie, se retrouvent argumentation et références.

6 A. LE ROUX “ Enseigner l’Histoire - Géographie par le problème ? ” L’ Harmattan, 2004.

L. POIRIER-PROULX “ La résolution de problèmes en enseignement ” De Boeck Université , 1999.

Ces deux ouvrages sont complémentaires pour une réflexion approfondie sur ces situations d’apprentissage.

7 Y. CARLOT et S. GENEVOIS “ Des SIG didactiques peuvent-ils favoriser l’apprentissage de la complexité ? ” Bulletin de la Société géographique de Liège n° 45 de 2005.

8 Y. CARLOT “ Faire face à la complexité ”, un tandem dynamique SIG et environnement, Les Dossiers de l’ingénierie éducative n° 53, décembre 2005.

9 J. BOLOT, N. MANSARD, Y. CARLOT “ Le dossier documentaire ” Rapport de recherche innovation, Rectorat de l’ Académie de Nice, 2003.

10 A. TRICOT, C. PIERRE-DEMARCY, R. ELBOUSSARGHINI “ Définitions d’aides en fonction des types d’apprentissages dans des environnements hypermédias ”, 4ème colloque  Hypermédias et apprentissages, Poitiers, Octobre 1998.

11 MJ. MOUSSEAU, G. POUETTRE “ Concepts, modèles, raisonnements ”, Actes du VIII° colloque INRP, mars 1996.

12 J. FONTANABONA et alii “ Cartes et modèles graphiques : analyse de pratiques en classe de géographie ”, INRP, 2000.

13 R. LEWIS “ Apprendre conjointement …”,4ème colloque  Hypermédias et apprentissages, Poitiers, Octobre1998.

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