Le transfert par des élèves du primaire des compétences développées en classe de sciences sociales
Marc-André Éthier (Université de Montréal), David Lefrançois (Université de Montréal)
Résumé
Comme toute pensée réflexive, la pensée politique est de nature contextuelle : elle ne s'est pas apprise dans l'abstrait, pour elle-même ; elle s'est plutôt développée avec l'usage de démarches de résolution de problèmes propres à telle ou telle discipline.
En effet, l’élève apprend à résoudre des problèmes sociaux, lorsqu'il recourt à des stratégies d'enquête sociale spécifiques (variables et adaptées), lorsqu'il exerce sa pensée créatrice ou son jugement critique par rapport à tels enjeux sociaux en manipulant telle information historique pertinente (fait, concept ou généralisation).
Les recherches que nous avons menées au Québec ont exploré l'usage de l'histoire que font les futurs enseignants de sciences humaines et leurs élèves lorsqu'ils résolvent des problèmes de nature sociopolitique. Quoiqu'ils citent maints référents culturels associés à l'histoire, dont plusieurs appris à l'école, nos recherches suggèrent que les sujets sollicitaient peu les compétences historiques en situation de résolution de problèmes (Éthier 2004).
Pourtant, les discours normatifs qui postulent l'effet bénéfique de l'apprentissage des compétences historiques sur le développement d'une pratique réflexive en politique abondent dans la littérature scientifique et professionnelle (Wineburg 2001).
Cependant, les recherches empiriques sur le transfert dans la pratique politique des compétences historiques sont encore relativement rares. Nous ambitionnons maintenant de nous pencher plus spécifiquement sur cette question dans le cadre de nos travaux ultérieurs. Cela implique l'étude conjointe des processus (la manière dont la raison fonctionne), outils (concepts, information factuelle, méthodes) et produits (idéologies, attitudes, et comportements) du raisonnement politique in vivo. Pour cela, il faut observer comment les élèves délibèrent à propos d'enjeux publics les touchant : sollicitent-ils leurs compétences développées en classe de sciences sociales en situation de résolution de problèmes ?
Comme cette recherche est à ses débuts, voire même en projet, il s’agit (1) de montrer en quoi ce travail entend contribuer à l’avancement des connaissances en matière de transfert ou de réinvestissement des compétences historiques dans la vie citoyenne, (2) de spécifier quelles seront les références théoriques qui serviront à constituer la grille d’analyse pour les observations en classe et hors des murs de l’école et (3) de décrire quelques éléments de nature méthodologique relatifs à la démarche d’observation et de cueillette de données.